La
représentation de chaque étage
Les
chefs-d’œuvre
Je commence
par expliquer le dernier étage appelé chefs-d’œuvre pour éviter les interprétations galvaudées à son sujet.
Les chefs-d’œuvre :
Les chefs-d’œuvre sont
le sommet de cette pyramide car ils sont le saint Graal de tout professionnel
investi et motivé par son travail. Il tutoie les étoiles lorsqu’il est reconnu
comme artiste dans sa profession. Ces chefs-d’œuvre demandent du temps et de la
persévérance. Ils devraient être un aboutissement non pas réservés à une élite
mais possible à tous les professionnels,
compensant les soi-disant faiblesses de leurs capacités intellectuelles par la
mobilisation de ressources développées tout au long de leur formation. Parmi
les ressources, l’expérience professionnelle est prépondérante pour le
réaliser. Qu’elle provienne de notre expérience ou de celle des autres
professionnels que nous nous sommes empressés d’enquérir. L’autre est un compagnon
indispensable à toute progression à partir du moment où les ressources de
l’apprenant lui permettent d’être à l’écoute et d’avoir intégré assez de connaissances
fondamentales pour être apte, à partir d’un argumentaire, à prendre pour
légitime ou non les recommandations qui lui sont faites. C’est l’esprit
critique.
Une réalisation parfaite est une tâche
professionnelle exécutée à partir du moment où le professionnel dispose de
toutes les compétences et mobilise la rigueur, l’exigence, les investissements
humains indispensables, donc toutes ses ressources pour sa concrétisation en
tenant compte des impondérables.
Je sais bien qu’en ce
qui concerne le mot parfait, j’aurai toujours des détracteurs. Mais, même si
j’utilise les mots : impeccable, accompli, irréprochable… , ils seront
toujours présents car il y aura toujours des personnes prêtes à critiquer votre
travail, à chipoter pour des imperfections visibles seulement par elles, qu’elles
soient parfaites ou impeccables ou accomplies ou… pour des raisons d’égo, de
jalousie, de pouvoir et je ne sais quoi encore. Je l’utilise parce qu’il
représente une image positive d’exigence qui devrait prévaloir pour toute tâche
professionnelle que l’on soit ouvrier, artisan, chirurgien, avocat, infirmier,
enseignant… Comme s’il s’agissait d’une intervention chirurgicale dont vous
êtes le patient en tenant compte bien entendu des difficultés que pourrait
rencontrer le chirurgien, indépendantes de ses compétences et de ses ressources
mobilisées.
Pour l’apprenant, cette réalisation parfaite représente la
mobilisation de toutes ses ressources lui apportant une probabilité élevée de
réussir ce qui lui est demandé lors de chaque séance.
Dans le processus
d’atteinte de la réalisation parfaite, il faut donc différencier les
impondérables, l’erreur et la négligence.
Les impondérables
sont des faits réels empêchant l’atteinte de la réalisation parfaite qui ne
peuvent être attribués au professionnel. Il
s’adaptera pour en produire une le plus parfaitement possible en les
contournant.
L’erreur
est un fait non intentionnel par défaut de mobilisation de ressources.
La négligence
est soit une impossibilité par surestimation de ses compétences ou de ses
capacités, soit une non volonté de parvenir à la réalisation parfaite.
Pour la matérialisation
de cette pyramide, je me suis appuyé sur le
compagnonnage, la formation de la
réalisation parfaite avec la création matérialisée d’un chef-d’œuvre, premier
d’une longue série. Et chaque tâche professionnelle se devra d’être un chef-d’œuvre
d’où sa mise au pluriel. Et tout professionnel devrait se donner les moyens de devenir compagnon, car chaque individu
n’exige-t-il pas du professionnel qu’il emploie ou consulte une réalisation
parfaite ?
Une réalisation
parfaite nécessite :
-En premier, un respect
des collègues et/ou des clients, de la motivation à la réaliser, de l’implication,
de l’application, donc de l’investissement personnel, un bien être
psychologique. Ce sont les savoir-être.
-En deuxième,
l’intégration de savoirs fondamentaux favorisés par un savoir-être adapté permettant
l’intégration d’autres compétences et la mise en pratique par transcription.
-En troisième, une
réflexion méthodique permettant d’adapter la mise en pratique par transcription
à différentes situations pouvant être rencontrées mais pas forcément enseignées, permettant elles aussi
l’intégration de nouvelles compétences.
-En quatrième, de
mettre en œuvre dans le réel toutes les compétences intégrées lors de projets,
de stages et d’en intégrer d’autres à partir de ces expériences dignes d’un professionnel.
-En cinquième, obtenir
à partir de l’intégration de toutes les compétences indispensables associées à la
mobilisation de toutes les ressources nécessaires la réalisation parfaite.
Les chefs-d’œuvre
représentent donc l’amour du travail bien fait, le professionnel artiste. Ce
niveau d’exigence n’est point demandé aux élèves durant leur formation car très
peu d’entre eux possèdent toutes les capacités et les ressources pour produire
un chef-d’œuvre à chaque travail imposé, surtout à cause du manque d’expérience
et de la diversité des disciplines. Par contre, l’enseignant lui demandera un investissement en rapport avec ses
ressources afin de se donner les moyens de réussir au mieux ce qui lui est
demandé et ainsi intégrer les réflexes acquis indispensables aux réalisations
de chefs-d’œuvre une fois devenu professionnel. Ces chefs-d’œuvre représentent
donc pour l’apprenant les tentatives de réalisation d’un travail bien fait.
Les
savoir-être
Les savoir-être se
définissent comme l’ensemble des comportements adaptés à une situation. Ce sont
les fondations de tout apprentissage car ce sont eux qui vont permettre la
mobilisation des ressources et des capacités intellectuelles responsables de
l’intégration des compétences nouvelles. Ils sont de 3 types que j’ai
nommés ainsi :
-
Les savoir-être de la respectabilité
-
Les savoir-être du labeur
-
Les savoir-être psychologiques
Les
savoirs-être de la respectabilité :
Ce sont tous les
comportements indispensables au respect des autres, à la socialisation, à
l’intégration sociale donc professionnelle. Ils facilitent la vie collective et
empêchent les stigmatisations, les jugements tout faits, vecteurs de trop
nombreux mal être. Ils représentent l’égalité entre tous les apprenants et le
respect d’une hiérarchie statutaire, c'est-à-dire inhérente au statut social de
chacun. Quoi qu’on en dise, il n’y a pas égalité entre un enseignant et un
élève, entre un infirmier fraîchement diplômé et un autre arborant 20 ans de
métier. Le respect d’une hiérarchie sociale est indispensable au bon
fonctionnement d’un collectif non pas basé sur la richesse financière ou
l’appartenance à un quelconque groupe mais simplement relié à l’expérience. Et
évidemment, le supérieur hiérarchique n’abusera aucunement des pouvoirs
conférés par son statut. Et il n’espérera qu’une seule chose : qu’un jour
le formé dépassera le formateur grâce à la transmission de ses savoirs nés eux
aussi d’apprentissages, d’expériences professionnelles et personnelles.
Les savoir-être du
labeur :
Ce sont tous les
comportements indispensables à l’amour du travail bien fait : motivation,
implication, application.
La vision de progression grâce à la répétition
en est leur carburant. Une répétition sur du court terme et flottante,
c'est-à-dire comportant des variations, permet d’éviter les lassitudes et les
frustrations nées de non progressions et
de similitudes. Mais la répétition est indispensable à l’intégration des compétences
quelles qu’elles soient, tel l’étudiant infirmier qui posera un maximum de
cathéters veineux durant son stage, seul moyen de lui apporter l’expérience et
la maîtrise gestuelle et psychologique indispensables à leur pose lors de
situations extrêmement compliquées et anxiogènes, en favorisant l’intégration
des réflexes acquis et de l’esprit critique.
Les savoir-être du
labeur requièrent l’utilisation d’outils indispensables comme l’organisation de
sa réflexion, l’utilisation d’un brouillon, la recherche de connaissances ou de
matériels, des méthodes d’apprentissages apportant implication et application
mais ils sont surtout dépendants de la motivation à faire quelque chose. L’absence
de motivation n’est pas seulement une question d’envie dans le sens «je ne le veux pas » de la part de l’individu, mais
aussi une question de possibilité en lien avec ses capacités intellectuelles et
ses ressources psychologiques mobilisables à ce moment-là que j’appelle les savoir-être
psychologiques.
Les savoirs-être
psychologiques ou ressources:
Ce sont les
comportements mobilisés par un individu lui permettant de se motiver, de
surmonter les difficultés et les échecs, de se déstresser. L’ensemble de ces
savoir-être est communément appelé le mental.
Ils ne dépendent pas
seulement des enseignements mais aussi du vécu et de la vie des individus. Ils
sont donc variables en fonction des situations et de l’instant T.
Ils nécessitent une
vision positive des actes à réaliser ainsi qu’une confiance en l’accompagnant pour
favoriser le dépassement, même minime, de ses difficultés.
Ils ne sont pas
réservés aux seuls psychologues, psychiatres, éducateurs spécialisés, psychomotriciens.
L’enseignant joue un rôle prépondérant dans l’intégration des savoir-être
psychologiques en ne cherchant pas à résoudre les troubles psychologiques mais
en favorisant la diminution du stress né de ces troubles car il est lui-même,
par ses attitudes, ses demandes, ses exemples… vecteur de stress soit
directement soit indirectement, parce qu’il fait ressurgir certaines situations
traumatiques et douloureuses ou tout simplement parce qu’avec ses demandes, il
met l’élève en difficulté ou en rébellion.
L’apprenant n’est pas une machine
qui ne fonctionnera pas ou mal à la moindre mauvaise manipulation, mais un
individu qui possède une mémoire, des besoins, un vécu plus ou moins
traumatique psychologiquement et dont la moindre action préjudiciable à son encontre peut être un frein à son
développement intellectuel, son envie d’apprendre et d’adopter les comportements
adéquats a sa scolarité et sa vie
sociale : un être humain qui a besoin d’être en bien-être ou en mieux être
pour apprécier d’être à l’école.
Une action préjudiciable se définit comme un
acte à l’encontre d’une personne qui ne serait argumenté ou dont les arguments
sortent du cadre imposé par le champ d’action du professionnel, ou bien un
acte portant atteinte intentionnellement à son intégrité physique et psychologique
!
D’où l’importance d’informer les élèves et leurs parents, dès le début de
l’année scolaire, sur les exigences liées à la scolarité pour que tout acte
cohérent ne soit pas vécu comme préjudiciable.
Finalement, tout individu dans sa vie sociale
et professionnelle sera submergé de contraintes, vecteurs de stress dont il ne pourra se soustraire.
Il ne pourra en adopter
les codes, les comportements adaptés à ces contraintes, qu’à partir du moment
où son stress engendré par cette situation diminuera. A partir de cet état de
fait, la posture principale à adopter en tant que formateur, enseignant,
devenait une évidence : la posture de coach, accompagnant à la gestion du stress.
Je définirai la posture
de coach comme celle de l'accompagnement de tout apprenant à prendre conscience des ressources a intégrer et a mobiliser en fonction de ses capacités et compétences afin d' atteindre les objectifs demandés par sa scolarité
J’emploie le terme mental car c’est le
terme le plus couramment utilisé dans le coaching. On peut le définir dans
l’enseignement comme l’ensemble des capacités intellectuelles et des
adaptations psychologiques permettant à tout individu d’atteindre des objectifs
adaptés à ses capacités quelles que soient les situations rencontrées.
Cet
investissement à faire que l’usager réussisse à progresser, malgré les
difficultés et les échecs est primordial dans le métier d’enseignant. La
posture de coach n’est surtout pas une posture miraculeuse, mais à travers la
reconnaissance par les élèves et leurs
familles de cet investissement, elle engendrera un respect, une confiance en
lui, qui par effet boule de neige se répercutera sur les motivations à
progresser de chaque élève. Tel un médecin, un infirmier, qui malgré le décès
de son patient sera remercié par la famille d’avoir tout tenté ou de l’avoir
laissé quitter notre terre sereinement, remerciant non pas l’échec inéluctable
mais leurs investissements dans l’accompagnement vers le mieux être de la personne en dépit ce cette situation
inévitable. Ou bien les investissements
de ces professionnels apportant une amélioration aux niveaux physiques,
psychologiques et sociaux chez toute personne atteinte de problèmes de santé.
Je sais très bien que pour une majorité d’enseignants, je suis débile rien que d’employer
le terme de coach. Très peu semblent avoir envie de se l’approprier, d’imaginer
cette posture comme faisant partie intégrante
de leur profession. Mais alors s’il faut
être débile pour mener à bien ses missions auprès des élèves, je préfère alors
ne pas être sain d’esprit et assumer pleinement donc le fait de l’être.
Il est vrai que je
n’apprécie pas ce mot en tant que tel, mais je n’ai trouvé aucun mot français
intégrant tout ce que représente le mot coach en anglais à mes yeux. Le
coaching est essentiel car il amène l’apprenant à pendre conscience des
comportements qui freinent ses apprentissages et son bien-être social pour, en
lui donnant les outils, être capable par lui-même de progresser et d’atteindre
les objectifs qui lui ont été fixés, en fonction de ses capacités. L’élève
n’est ainsi pas noyé dans un collectif, mais bénéficie aussi d’une pédagogie et
d’une éducation adaptées et individualisées lui permettant d’exister en tant
que personne appartenant au groupe classe, et qui aura la possibilité
d’atteindre les mêmes compétences que ses petits camarades. Il n’est pas
relégué dans un coin de la classe en attendant que le cours finisse, comme cela
est trop souvent le cas ! Et il donne aux meilleurs d’entre eux la
motivation de ne pas se reposer sur leurs lauriers !
Travailler auprès de
personnes souffrant de trouble envahissant du développement, nouveau terme pour désigner les personnes autistes, fut aussi pour moi une vraie révélation sur
ce qu’était la vie, à travers leurs réactions décuplées par rapport à une
personne sans handicap, à cause de leur stress quasiment permanent. Quand je
les côtoyais, je donnais cette définition de leur vie et donc de la notre. La
vie, c’est être stressé. Un stress qui peut varier en fonction des situations,
du vécu… Un stress qui ne demande qu’à
apprendre à être géré pour atteindre le mieux être ou le bien-être
psychologique.
Le bien-être psychologique, c’est n’avoir aucun stress, le mieux
être psychologique, diminuer son stress. J’entends aujourd’hui tout le monde se
plaindre du stress alors que ne plus avoir de stress, c’est peut-être l’état de
bien-être, très difficile à obtenir, ou alors ponctuellement, mais c’est
surtout la mort. Donc être stressé lors de certaines situations est une
confirmation que nous sommes bien en vie. Et c’est aussi une preuve de notre
envie car n’avoir aucun stress peut aussi
signifier «je m’en fiche».
L’accompagnement à la gestion du stress
est donc prépondérant dans toute approche pédagogique et éducative car comment
demander quoi que ce soit à une personne dont l’état de stress intense est
permanent ? Vous devez d’abord
commencer à le diminuer, et une fois en mieux
être, il sera apte à vous écouter, la première étape indispensable à tout
apprentissage ou réponse adaptée à une demande.
Car ne croyons surtout pas que pas que
satisfaire à toutes les exigences est la réponse adaptée à leur bien-être ou
leur mieux être. Françoise Dolto vous répondrait qu’il ne le faut surtout pas, que
le non est indispensable à la construction de son bien-être psychologique et
que ne pas être confronté à la frustration du non ou de la contrainte, empêche
leur gestion des frustrations donc celle du stress. Satisfaire continuellement
aux exigences est donc générateur de stress encore plus intensément, et
engendre en réaction des comportements inadaptés voir même pathologiques aux
exigences sociales. Il faut être capable de lui démontrer que cette action qui
lui est imposée, génératrice de stress au départ, lui apporte un mieux être
voir même un bien-être à plus ou moins long terme. Elle commence à devenir plaisante pour lui. Il n’en sera capable qu’à
partir du moment où vous lui avez démontré qu’il peut vous faire confiance en
étant présent lors de ses phases de stress intense, pas seulement en
l’obligeant mais aussi en le valorisant sur ses aptitudes à y parvenir.
Quand
l’enseignant comprend qu’un comportement est une attitude volontaire ou
involontaire, consciente ou inconsciente, qu’il
est un réflexe dépendant d’apprentissages, d’expériences, de
traumatismes ou de blessures douloureuses, d’un bien-être ou d’un mal-être, il
se rend compte de son rôle dans l’acquisition de ce savoir-être et ne peut donc
le négliger. La vie, surtout celle d’apprenant, est un conglomérat de
contraintes stressantes qu’il faut savoir apaiser par l’apport au milieu de
toutes ces contraintes, de libertés et de plaisirs, le yin et le yang de la formation.
L’intégration de ces
savoir-être impose aux enseignants et aux intervenants (CPE, assistants
d’éducation, proviseurs, infirmiers scolaires, psychologues et parents) un
travail d’équipe. Une harmonisation des pratiques éducatives et pédagogiques
respectées par toutes les personnes concernées est la nécessaire condition non
pas à un endoctrinement, un conditionnement, mais au contraire à la mise en
place de repères et du respect des enseignants favorisant l’intégration de ces
savoirs-être.
Les
connaissances fondamentales
J’entends par
connaissances fondamentales, les savoirs et savoir-faire indispensables à la
compréhension des apprentissages à venir. Ils sont donc en perpétuel mouvement,
grossissant continuellement le cartable des compétences intégrées permettant un
cheminement serein dans les méandres de tout apprentissage. Le socle commun
mais aussi l’étymologie propre à chaque discipline en font partie.
Au vu de leur nombre,
je ne les listerai pas. Je n’en
détaillerai donc que quelques uns afin de faire comprendre l’importance de ces
savoirs fondamentaux dans la poursuite d’apprentissages et les rôles essentiels
de l’enseignant dans leur intégration.
Premier rôle, les avoir repérés et donc
mettre en place des méthodes pédagogiques facilitant leur intégration auprès de
chaque élève.
Deuxième rôle, tout aussi essentiel, donner à l’apprenant lors du
constat de leur non intégration et ceci à tous les âges et dans toutes les
classes, à nouveau les moyens de les intégrer.
Ils peuvent être différents selon les
disciplines et le cursus scolaire, mais aussi complémentaires surtout au niveau
des savoir-faire. Leur non intégration est un frein immense à l’intégration
d’autres compétences. Il est effarant de se rendre compte du nombre
impressionnant de savoirs fondamentaux non intégrés par les élèves français. Je
n’en citerai que trois en exemple : l’orthographe, les tables de multiplication
et division, t la qualité de l’expression écrite et orale.
Ces non intégrations ont pour origine l’abandon de la répétition. Et oui il est nécessaire de
répéter pour intégrer, recommencer jusqu’à l’intégration. Aujourd’hui, ces deux
termes sont devenus tellement péjoratifs et tellement aliénants, synonymes de
conditionnement, de débilisation de l’élève pour une majorité de l’ensemble des
intervenants, que tout le monde en a profondément oublié l’instinct primitif
qui cohabite avec le besoin d’évolution chez l’être humain, rendant obligatoire la
répétition des gestes, des actes pour intégrer.
Et oui, il n’y a aucun mal, au
contraire, à faire réapprendre ce qui
n’est pas su, à faire refaire tout travail non abouti, à réexpliquer,
réexpliquer, réexpliquer ce qui n’est pas compris tout en changeant de méthode
entre temps selon les besoins.
Toutes mes expériences professionnelles, que ce
soit en tant que formateur auprès des stagiaires aides-soignants, infirmiers…,
auprès d’élèves en lycée et lycée professionnel, en soutien scolaire du CP à la
3ème ou auprès d’étudiants préparant les concours sanitaires et sociaux, m’ont
convaincu de l’obligation de l’utilisation de la répétition réinventée jusqu'à
l’intégration et de l’obligation de
donner les moyens à l’élève de combler ses manques lorsque l’enseignant
s’en aperçoit. Ne pas faire comme si c’était trop tard ou impossible à
surmonter.
La répétition intelligente est mon cheval de bataille. Le grand nombre de
progressions, de réussites obtenues auprès de tous les publics que j’ai eu à
former est tellement fabuleux grâce à elle, que je ne m’en lasse pas. Accompagnés
du travail d’explication en amont, de la posture de coach, de l’accompagnement aux difficultés et à la
gestion du stress, les apprenants se rendent compte de leur progrès et augmentent leur confiance en eux, et y adhèrent
très rapidement et ceci à tout âge. Elle devient rapidement une évidence pour
eux, un réflexe acquis. Répéter au cours d’une séquence, d’une séance, de
l’année mais aussi d’un certains nombre d’années, l’intégration des compétences
passe par ce chemin qui parait lisse, nu, sans intérêt mais guidé avec
intelligence et différenciation, permet qu’apparaissent au fur et à mesure les paysages de la confiance en soi, de la
réussite, de la progression, de
l’appartenance à une équipe, de la compréhension, de la gestion de ses peurs,
de l’autonomie, de la responsabilité…
Car finalement ce n’est pas forcément ce
qui parait avoir le plus d’intérêt qui se trouve être valorisant mais ce que
l’élève réussit ou commence à réussir en tenant compte de ses capacités et
ressources. D’où l’obligation d’intégrer les connaissances fondamentales pour
aller de l’avant, pour ne pas décrocher et pour cela, seule la répétition est
efficace car très peu d’apprenants sont capables d’intégrer dès la première
fois.
Pour se faire, l’enseignant doit être capable de se réinventer afin que
cette répétition ne soit pas lassante pour les élèves mais au contraire
motivante, qu’elle devienne un jeu, une source d’épanouissement personnel. Pour se faire, l’enseignant se doit de
mettre en évidence durant ses cours ces
savoirs fondamentaux. Mais aussi, un des principaux moteurs du bien-être au
cœur des apprentissages est de ne pas cumuler les insuffisances et les manques disciplinaires,
il est donc important pour cela d’en limiter la survenue au sein d’une même
séquence afin de faciliter leur intégration pour le cours suivant. Mais aussi lors de chaque nouvelle séance,
d’évaluer l’intégration des compétences
indispensables à celles à venir afin de mettre en place des pratiques adaptées
à chaque élève pour leur intégration avant de commencer le nouveau chapitre.
Les
réflexions positives
Les réflexions
positives sont tous les questionnements et leur organisation insufflant aux apprenants les énergies de la
compréhension et de la résolution de problèmes.
Grandir, c’est se poser
des questions. Tout élève se doit de réfléchir avant d’agir, de faire des
recherches levant ses incompréhensions
et non pas comme je l’observe depuis longtemps, répondre le plus rapidement
possible à la question pour en avoir terminé le plus rapidement possible. Le
système scolaire est totalement basé sur la rapidité de faire les choses :
-La rapidité de corriger
les exercices, les devoirs : preuve en est que l’on donne de plus en plus
de polycopiés ou même parfois aucune correction.
-La rapidité des
réponses orales : si l’élève donne une réponse fausse, l’enseignant
interroge un autre élève sans le mettre en capacité de se rendre compte du
pourquoi de sa réponse non advenue.
-La rapidité de temps
accordé aux exercices en cours bien insuffisant pour permettre aux plus en
difficultés d’aller au bout de leur réflexion, ce qui entraînera chez eux,
petit à petit, une démission de leur envie de réfléchir, puisque quasiment à
chaque fois, ils sont coupés en pleine réflexion.
-Une quantité d’informations à ingurgiter, enchainées
tellement rapidement durant toutes les séquences d’une année scolaire, ayant
comme principal objectif d’avoir terminé un référentiel surchargé pour la fin
de l’année scolaire. Elles ne laissent que peu de place aux questionnements
exprimés ou intérieurs indispensables à toute compréhension.
-Ne pas avoir le temps
de faire les recherches permettant de répondre à leur questionnement, la
réponse étant souvent donnée par l’enseignant, lorsque cela prend trop de temps
à son goût
Il est indispensable pour
que cette réflexion positive devienne un réflexe acquis, de multiplier ces temps de réflexions et de questionnements, mais aussi de laisser aux apprenants
un temps de réflexion et de recherche leur permettant d’aboutir à un résultat
positif, qu’il puisse l’exprimer oralement ou par écrit grâce au brouillon pour leur permettre de l’améliorer mais
surtout l’organiser.
Combien de fois ais-je observé nombre de mes élèves ne
sachant même pas faire le lien entre les exercices proposés et le cours,
commencer un exercice sans se poser la question de l’éventualité des
connaissances nécessaires à mobiliser pour le réussir, ne même pas être capables
en terminale de faire le lien entre la question posée et les réalités de la vie
dont ils ont connaissance, répondre à une question sans la comprendre, ne même
pas essayer de réfléchir car de toute manière il n’y arrivera pas…
Les élèves doivent
intégrer que toute action demande de la réflexion. Que réfléchir demande du temps, de l’expression,
des essais, des échecs, une organisation. Que la réflexion forge l’esprit
critique indispensable à leurs évolutions culturelles, sociales et
professionnelles. Il est donc
indispensable que les enseignants laissent
plus de temps aux apprenants en cours pour finaliser leur réflexion, les
accompagner à l’organisation de celle-ci en leur permettant de l’exprimer
spontanément ou par demande, et de valoriser la recherche d’informations.
Alors quand pensez-vous?
Les
inclusions au réel
L’inclusion au réel est
la participation active des apprenants à la réalité du monde professionnel,
culturel, sportif, extrascolaire, soit par la mise en œuvre de projets, de
pratiques, de sorties, ou par la rencontre avec des professionnels, des
bénévoles spécialisés par l’intermédiaire d’interventions, d’expositions, de
colloques, de visites d’établissements…
Elle s’inscrit dans la
participation de l’apprentissage à la vie sociale, à la vie active, à la vie
culturelle. En font partie aussi bien les expériences pratiques identiques au
réel lors des cours, que les sorties culturelles
(théâtre, cinéma, expositions, musée, rencontres sportives…) ou tout projet
réalisé en classe ayant une finalité à être proposé aux personnes extérieures
au lycée : pièce de théâtre, blog, auto-entreprise, chorale, concours,
voyage pédagogique…
Et ceci dès le primaire.
J’ai en exemple la réalisation par des élèves de primaire de panneaux incitant
les conducteurs à rouler en dessous de 50 km/h disséminés tout le long du
village. Une excellente idée. Et j’imagine la joie et la fierté des élèves
lorsqu’ils passent devant ces panneaux avec leurs parents, leurs familles,
leurs amis ! Tous les projets que j’ai menés avec mes élèves furent une
réussite autant en terme d’investissement, de travail en équipe, de recherches,
de découvertes, de sensibilisation, de gestion du stress, de l’erreur, voire de
l’échec, d’exigences, d’intégrations et de mobilisation de compétences tout
simplement parce qu’ils allaient être vus par des personnes extérieures, des
personnes dont le jugement avait une importance plus que significative à leurs
yeux.
Ils leur permettent aussi de faire
face à la pression de la réussite aux yeux d’un public, et donc d’apprendre à
la gérer avec la multiplication des projets au cours de leur scolarité et de
leurs apprentissages. Amener les élèves à mobiliser toutes leurs compétences
tout en favorisant l’intégration d’autres à partir de la découverte, de la
participation ou de la réalisation d’un travail concret, est un formidable
outil pédagogique dont il serait totalement absurde de se passer. L’éducation
nationale se doit de donner le temps et les moyens pour permettre l’inclusion
au réel comme pratique pédagogique en favorisant les sorties culturelles, la
réalisation de projets en lien avec l’extérieur, la participation à des
concours surtout dans les filières
professionnelles, comme par exemple les olympiades des métiers ou d’autres du
même genre.
A partir de l’inclusion
réelle, je milite pour un minimum de 5 sorties par an, d’un voyage pédagogique
ou d’un projet par classe chaque année.
La question du financement
de ces inclusions au réel est aussi un moyen de participation des élèves à la
mise en place d’activités comme des soirées, des lotos, des
tombolas qui seront elles aussi par conséquent des inclusions au réel et
participeront de plus à la vie de l’établissement en dehors du temps de cours,
en incluant les parents et les familles.
Pour favoriser
l’inclusion au réel, je propose un emploi à temps plein d’assistant d’éducation par établissement accompagnant aussi bien les enseignants lors des sorties que lors des temps de
réalisation de projets. J’ai toujours été obligé de les limiter par faute d’accompagnateurs et par conséquent,
je n’ai pu que rarement mettre en place tout ce que je savais indispensable à
la formation et à la progression de mes élèves, ce qui devint une terrible frustration vers l’atteinte
des chefs-d’œuvre.